Renaud Chanceaulme, transfuge passé d’une major à la maîtrise d’oeuvre, nous explique comment lui et ses 70 collaborateurs ouvrent une voie nouvelle dans le service.
Bonjour Renaud, merci de participer à cette interview, un peu différente des précédentes pour une raison simple : vous n’êtes pas à proprement parler ce que l’on a l’habitude d’appeler un « concepteur ».
Bonjour ! C’est exact, toutefois je nuancerai un petit peu : nous ne sommes pas des concepteurs mais nous travaillons quotidiennement à leur côté. Chez BMF, entreprise née à Apprieu, petite commune de l’Isère, nous avons fait du service aux architectes notre métier.
Le sujet est aussi vaste que leur domaine d’intervention est complexe.
À l’origine, le Bureau Michel Forgue, du nom de son fondateur, était spécialisé en économie de la construction. Une fonction que nos équipes ont enrichie pour proposer aujourd’hui des conseils sur le contrat de maîtrise d’oeuvre et sur la rémunération, un accompagnement dans la définition du rôle des acteurs dans un groupement, le conseil juridique, la conduite de projets…
Comment s’est structurée cette offre ?
Au contact des architectes. En côtoyant cette profession qui est, ô combien, soumise à de nombreuses contraintes, et dont les missions se sont complexifiées avec le temps.
Être architecte aujourd’hui, c’est à la fois être concepteur, mandataire, gestionnaire RH, juriste, chef d’entreprise, et j’en passe !
À cela s’ajoutent les méandres de l’obtention d’un marché. Le circuit est si fastidieux : remplir un dossier de candidature pour être admis à concourir, puis établir des grilles de répartition des missions, définir les honoraires, être en mesure de relire le contrat de maîtrise d’oeuvre, comprendre les subtilités du CCAP, et, ensuite, concevoir..
Lorsque l’on est architecte établi, c’est tout une aventure. Lorsqu’on se lance, c’est un chantier colossal.
C’est comme ça qu’est née l’envie d’apporter un service clés en main, qui commence par l’économie du projet et se prolonge par les tâches indispensables à la conduite d’une opération qui ne concernent pas directement la création architecturale.
Ils cherchent chez vous un partenaire expert des tâches administratives, finalement !
Sûrement un peu, mais surtout riche d’une très grande expérience sur des projets extrêmement variés. C’est là qu’est notre force principale.
Une des richesses du métier de concepteur réside dans la variété des projets.
Un collège, une mairie, un théâtre, un musée… Tous ces ouvrages ne s’abordent ni ne se traitent de la même manière. Les honoraires, les contrats, les marchés, tout diffère et nécessite une expérience qui n’est pas facile à acquérir et dont la construction demande du temps.
Notre véritable force se situe ici.
Puisque nous intervenons auprès de nombreux architectes, nous agrégeons une importante base de données. Ainsi, nous sommes capables d’affiner les curseurs au plus juste en fonction des dernières opérations réalisées.
Faciliter la gestion, c’est aussi contribuer à apaiser la relation avec le maître d’ouvrage…
Oui, c’est évident. Lorsque l’on aborde le sujet de la rémunération, le maître d’ouvrage discute au global et non par acteurs. Donc, contribuer à trouver cet accord puis à faciliter cette répartition entre intervenants concourent à fluidifier les relations.
Vos principales missions demeurent-elles celles d’un économiste de la construction ?
Oui, et c’est ce que les architectes viennent chercher chez nous avant tout. Au fur et à mesure de la collaboration, nous nous inscrivons dans un schéma qui varie mais qui, dans 80 % des cas, comprend un appui juridique et financier qui court du premier jour à la livraison.
Cette proximité est une richesse, et après quarantes ans d’existence, nous possédons une connaissance très fine de l’écosystème. À tel point que nous connaissons les habitudes de travail entre les concepteurs eux-mêmes !
Cela nous a poussés à créer une entité nouvelle dédiée à la réalisation de candidatures clés en main : en fonction des projets, nous proposons des profils qui sont susceptibles de matcher.
Vous êtes un peu le Tinder de la conception finalement.
(Rires). Nous savons que chaque équipe de maîtrise d’oeuvre est différente et que toutes les ambitions ne sont pas positionnées au même niveau. Grâce à notre expérience, nous avons désormais la capacité de constituer des équipes qui fonctionnent bien.
Un peu comme en amour finalement, c’est vrai !
Votre regard, l’approche que vous avez du monde de la conception, est-il un héritage de vos premières expériences professionnelles ?
J’ai suivi un cursus d’ingénieur et j’ai fait mes classes au sein d’une entreprise générale, major du secteur. Je m’y suis confronté aux chantiers, à la direction d’opérations de toutes tailles, j’ai managé des équipes élargies et ai compris l’importance de s’entourer des bonnes personnes pour qu’un projet réussisse.
Tout cela a été très formateur !
Et c’est avec cette curiosité et cet enthousiasme pour les projets que j’ai repris BMF avec mes associés. Les premiers temps, j’expliquais fièrement mon parcours. Mais j’ai rapidement compris que c’était loin d’être perçu comme quelque chose de positif.
Alors j’ai vite arrêté de le dire !
Le choc de deux paradigmes différents ?
C’est peu de le dire ! Ce sont deux mondes très différents. Je crois que nous sommes parvenus à devenir une passerelle entre des visions et des ambitions qu’il faut conjuguer. Malgré des grilles de lecture qui peuvent parfois être un peu différentes…
Et si vous n’aviez pas été à la tête de BMF, qu’auriez-vous aimé faire ?
J’aurais aimé devenir architecte. Mais les choses se sont construites différemment.
Qu’est-ce qui fait un bon économiste selon vous ?
L’écoute et la compréhension globale des enjeux. Vous ne pouvez pas conduire un projet de la même manière pour un maître d’ouvrage privé, un promoteur privé ou une petite mairie de village. Il faut savoir placer le curseur au bon endroit.
C’est ce qui m’anime.
Ce qui nous amène à être force de proposition et à adopter un positionnement nouveau.
Quelle est votre plus grande fierté ?
Sans hésiter, avoir préservé l’âme de BMF et diriger un groupe de femmes et d’hommes de grand talent capable de faire évoluer cette belle entreprise dans la typologie des missions proposées, mais aussi en fonction des nouveaux enjeux. Je pense par exemple au défi climatique, pour lequel nous sommes force de proposition et adoptons un nouveau positionnement.