Christophe Millet | Pour une architecture au service de l’intérêt public
Dans un entretien exclusif au Moniteur, Christophe Millet, nouveau président du Conseil national de l’ordre des architectes (CNOA), dévoile sa vision et ses priorités pour les trois années de son mandat. Il souhaite poursuivre le projet sociétal précédemment initié par Christine Leconte en le déclinant plus concrètement auprès des acteurs locaux et des architectes.
Sa priorité majeure : l’inscription de la réhabilitation dans la loi de 1977 sur l’architecture. Pour lui, cette évolution législative est essentielle, car « la réhabilitation ne peut pas se faire sans architecte ». Il alerte également sur la « fragilisation » actuelle de la profession, notamment due à une limitation croissante du champ d’action des architectes par les maîtres d’ouvrage.
Sur le plan organisationnel, le CNOA entreprend une refonte de ses outils, notamment le tableau de l’Ordre, pour une meilleure interactivité avec les agences. Le président annonce également un renforcement du contrôle déontologique, en particulier sur les signatures de complaisance.
À l’approche des 50 ans de la loi sur l’architecture, Christophe Millet souhaite que cet anniversaire soit l’occasion de renforcer le texte fondateur.
Guyane | Les architectes face au défi climatique
Les 64 architectes inscrits à l’Ordre en Guyane font face à des défis majeurs liés au changement climatique. Lors d’une rencontre organisée le 25 octobre dernier à Cayenne, le Conseil régional de l’Ordre des architectes (Croa) a réuni professionnels et élus pour aborder ces enjeux, au centre des débats actuels.
Confrontée à une hausse des températures et une montée des eaux prévue entre 60 et 120 cm d’ici 2100, la région doit repenser son approche architecturale. Les professionnels proposent des solutions pour reconquérir le littoral, notamment à travers des projets d’aménagement paysager et urbain.
Les contraintes sont nombreuses : les matériaux de construction, majoritairement importés, sont 30 % plus chers qu’en métropole. Le bois local, bien que disponible, reste onéreux en raison des difficultés d’extraction. La question du foncier est également critique : malgré une urbanisation de seulement 0,01 % du territoire, la production de logements (2 000 par an) ne répond pas aux besoins (estimés entre 4 000 et 5 000 par an).
Cette situation nécessite une approche collaborative, comme en témoigne la participation des Ordres des architectes du Suriname et de l’Amapa (Brésil), confrontés à des problématiques similaires.
Architecture au féminin | Les défis persistants de l’égalité professionnelle
Malgré une féminisation croissante de la profession d’architecte, passant de 16,6 % en 2001 à 32,3 % en 2021, les inégalités persistent de manière significative dans le secteur. Lors du congrès annuel de l’Unsfa à Reims, les professionnels ont dressé un état des lieux préoccupant.
Les chiffres sont éloquents : si les femmes représentent 60 % des étudiants en architecture, l’écart salarial atteint 38,8 % une fois dans la vie active. Plus frappants encore, seules 9 % des agences d’envergure sont dirigées par des femmes. La reconnaissance institutionnelle reste faible, avec seulement 6 % de femmes lauréates du prix Pritzker.
Le sexisme demeure une réalité quotidienne : 68 % des violences sont verbales, particulièrement sur les chantiers (64 %) et en réunion (29 %). Face à ces constats, des initiatives émergent : l’exposition « (In)visibles », l’ouvrage « Elles construisent » et un accord de branche sur l’égalité en 2021.
L’Unsfa poursuit son engagement avec une enquête « architecte et maternité » qui révèle que 75 % des répondantes souhaitent une meilleure prise en compte de la maternité par les institutions.
L’art de l’inachevé | Un regard sur les architectures abandonnées en Italie
Dans son ouvrage « Incompiuto », Roberto Giangrande nous livre une exploration photographique saisissante d’un phénomène architectural unique en Italie : l’inachèvement systémique des projets de construction. À travers une cinquantaine de sites photographiés, l’artiste documente ces structures abandonnées qui parsèment le paysage italien : hôpitaux déserts, autoroutes interrompues et complexes hôteliers fantômes.
Ces témoignages visuels révèlent l’ampleur d’un problème national avec plus de 1 000 infrastructures laissées en suspens. Les causes sont multiples : malfaçons, montages financiers opaques, bureaucratie excessive et coûts d’exploitation prohibitifs. Dans sa postface, l’écrivain Roberto Ferrucci dénonce ces « crimes contre la collectivité » que représentent ces coulées de béton inutiles, symboles d’un gaspillage des ressources publiques.
L’ouvrage de 128 pages offre une réflexion profonde sur ces structures prisonnières entre un passé trouble et un avenir incertain.