
En tant qu’observateur privilégié, quelle est votre analyse du secteur de la maîtrise d’œuvre ?
Jean-Claude Martinez : Nous constatons que la majorité des indicateurs sont en retrait. La seule exception à cette tendance générale porte sur les projets de rénovation.
Pour ce qui concerne la commande publique, elle était en contraction en 2024 et devrait l’être à nouveau en 2025.
Dans ce contexte difficile pour tous les professionnels de la construction, la maîtrise d’œuvre est particulièrement exposée.
Nous sommes donc mobilisés afin de leur venir en aide autant que nous le pouvons. Cela se traduit par des mesures concrètes comme les facilités de paiement ou une plus grande réactivité dans les ajustements de cotisations.
Chiffre d’affaires, sinistralité, résultat financier… quels sont les principaux enseignements de 2024 pour la MAF ?
Vincent Malandain : L'écart entre les cotisations 2023 et 2024 n'est pas significatif. Compte tenu du ralentissement de l’activité des adhérents, nous estimons que le chiffre d’affaires 2025 devrait connaître une inflexion. Nous ne pouvons pas encore mesurer l’impact financier dans la durée, mais nous sommes extrêmement attentifs à tous les indicateurs.
Concernant la sinistralité, nous observons une augmentation du coût des sinistres, liée au contexte inflationniste qui entraîne une hausse du coût des matériaux. Si les effets se sont fait sentir en 2024, nous les avions heureusement anticipés et modélisés les années précédentes.
Plusieurs scénarios avaient été envisagés et nous ont permis d’adopter une approche prudente dans le pilotage de la Mutuelle.
En ce qui concerne le résultat financier, 2024 a été une bonne année, pendant laquelle nos équipes ont su saisir des opportunités sur un marché obligataire dynamique.
Ainsi, cette année encore, nous nous félicitons de la bonne tenue de nos produits financiers. L’ensemble des actifs a globalement progressé, à l’exception toutefois des actions françaises pénalisées par le résultat des élections législatives de juillet dernier et la crise politique qui s’est installée depuis. La stratégie de ces dernières années a pleinement porté ses fruits et contribué à la solidité financière de la MAF. Nous en avons profité pour renforcer nos positions sur certains actifs à moyen terme.
En résumé, je dirais que la MAF se renforce chaque année.
« La stratégie de ces dernières années a pleinement porté ses fruits et contribué à la solidité financière de la MAF en 2024 »
Dans ce cadre, les équipes de la MAF ont également œuvré sur deux sujets : CSRD et DORA.
V. M. : Effectivement. La première, CSRD, pour Corporate Sustainibility Reporting Directive, est une directive européenne visant à améliorer et à harmoniser la divulgation d’informations environnementales, sociales et de gouvernance (ESG) par les entreprises.
Même si sa mise en application pourrait être reportée, la MAF a saisi cette opportunité pour structurer sa vision sur les sujets de la durabilité, un travail suivi de près par le conseil d’administration.
Vous évoquez DORA. Il s’agit aussi d’un sujet qui mobilise nos équipes depuis 2023. Cette réglementation porte sur la résilience des organisations face aux cyberattaques.
Elle nous a amenés à renforcer notre politique de sécurité informatique.
Après une phase d’audit de l’existant et de ce qu’exige désormais la loi (DORA est entrée en application en janvier 2025, ndlr), nous avons dressé une feuille de route précise avec un objectif : le renforcement de la cybersécurité MAF.
Depuis quelques années maintenant, d’autres acteurs de l’assurance ont entrepris d’offrir eux aussi leurs services aux architectes. Quel est l’impact de cette concurrence sur la part de marché de la MAF ?
J.-C. M. : D’une année sur l’autre, nous suivons de près un faisceau d’indicateurs qui nous permet de le mesurer, et nous constatons qu’il est très modéré. Le premier enseignement est le faible taux de résiliation de nos adhérents.
Les concepteurs sont fidèles à la MAF.
Nous observons aussi un nouveau phénomène : le retour de certaines agences qui avaient cédé aux sollicitations de nos concurrents.
Cela n’est pas sans raison : outre la qualité de la couverture assurantielle, les architectes sont de plus en plus sensibles à l’offre de services développée ces dernières années.
Lorsque la période est trouble, l’envie de sécurité, de stabilité et d’accompagnement prime. C’est la force de la MAF.
Nous restons toutefois vigilants à la concurrence.
Vous évoquez les conseils de la MAF. Ils sont particulièrement incarnés par l’offre de services développée depuis plusieurs années. Qu’en disent les adhérents ?
J.-C. M. : Le succès des services va au-delà de nos espérances. Quelle satisfaction de constater que nos intuitions étaient les bonnes !
Si parler de Boîtes à outils, de Rendez- Vous de la MAF ou d’assistance à la contractualisation semble aujourd’hui naturel, il ne faut pas oublier le travail et l’implication des équipes de la Mutuelle.
Aujourd’hui, tout nous invite à poursuivre. Le succès de la collection des Boîtes à outils nous conduit à en proposer de nouvelles, comme les récentes éditions dédiées au « permis de construire » ou au « contrat de maîtrise d’œuvre ». D’autres sujets sont éligibles, mais nous devons les prioriser au regard du travail de mise en œuvre qu’ils exigent.
La MAF étant désormais organisme de formation, comment les Rendez-vous de la MAF vont-ils évoluer ?
J.-C. M. : Quelle belle aventure que ces journées d’ateliers organisées dans toute la France ! Nées en 2015 de l’envie de partager le savoir de la MAF, elles sont aujourd’hui incontournables, et près de 2 500 architectes s’y retrouvent chaque année, dans le cadre des heures de formation dites « complémentaires ». Or le besoin sur les heures « structurées » est également très important !
C’est le sens de cette évolution qui nous permettra de proposer des parcours de formation 100 % gratuits et réservés à nos adhérents, dès septembre 2025. Les sujets seront nombreux et porteront sur des thématiques en lien direct avec notre expertise : les responsabilités professionnelles, la sécurisation des pratiques, le contrat de maîtrise d’œuvre…
2025 est la dernière année du plan stratégique quinquennal : où en est la MAF de ses objectifs et quelle sera la suite ?
V. M. : La « RoadMAF 2025 » s’articulait autour de plusieurs axes :
- nos clients et nos prospects ;
- le développement ;
- le pilotage technique et économique ;
- les ressources humaines.
De chacun des axes découlaient des priorités et des plans d’action dédiés. « RoadMAF 2025 » nous a permis de structurer les moyens humains, techniques et organisationnels pour parvenir à des objectifs clairs, partagés par tous.
La fin de ce premier plan quinquennal nous invite à envisager le suivant, forts d’une entreprise qui a gagné en maturité, en efficacité et en agilité.
Notre priorité demeure la reconnaissance dont bénéficie la Mutuelle auprès de toute la maîtrise d’œuvre. Elle se matérialise par notre capacité à nous développer et à demeurer le défenseur de ses intérêts.
Une MAF qui évolue, c’est aussi une MAF qui s’ouvre à tous les concepteurs et fait évoluer son conseil d’administration ?
J.-C. M. : Effectivement ! Après avoir décidé de s’adjoindre les compétences d’un administrateur indépendant, l’assemblée générale de juin 2024 a été l’occasion d’accueillir Jean-Marc Weill, ingénieur reconnu, fondateur de C&E Ingénierie. Il est naturel qu’un administrateur porte leurs intérêts et qu’ils soient représentés au sein du conseil.
Je profite de ces lignes pour remercier Marc de Meyer et Cédric Vigneron dont les fonctions d’administrateurs ont pris fin en juin dernier, et à qui ont succédé Marie de Nervo, architecte à Abbeville, et Rémi Fromont, architecte à Paris.