Le choix d’une entreprise par le maître d’ouvrage implique l’architecte dans le cadre de son devoir de conseil. L’avis défavorable de l’architecte sur la capacité d’une entreprise à réaliser les travaux doit être motivé par écrit.
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La France compte quelque 394 000 entreprises de travaux de bâtiment1. Dans une activité très concurrentielle où les créations et les disparitions sont fréquentes, vous - architecte - avez le devoir d’apprécier la capacité des entreprises à réaliser les travaux que vous prescrivez.

Certes, vous connaissez généralement les entreprises avec lesquelles vous travaillez parfois depuis de longues années. Elles sont souvent un gage de sécurité et de fiabilité. Pour autant, leur indisponibilité due à un carnet de commande bien rempli, la nécessité de les mettre en concurrence régulièrement pour s’assurer d’une offre toujours économique, la volonté du maître d’ouvrage d’imposer « ses » entreprises… ou tout simplement l’obligation de procéder à un appel d’offres en marché public vous imposent de consulter fréquemment de nouvelles candidates. Mais comment évaluer, dans un contexte technique évolutif et économiquement fragile, la capacité d’une entreprise à réaliser des travaux ? Sur quels critères de sélection pouvez-vous vous appuyer pour donner un avis fiable à votre maître d’ouvrage ?

La question est d’autant plus importante qu’elle relève, pour vous, du devoir de conseil. Une fois le marché attribué et le chantier en cours, vous aurez peut-être à apporter la preuve - en cas de difficultés avec l’entreprise retenue - que vous avez bien conseillé votre client dans le choix de l’entreprise, ce devoir de conseil constituant une obligation de moyens (que vous ayez demandé à l’entreprise de candidater ou qu’elle ait été amenée par votre client). 

Si l’entreprise n’est pas compétente, ne dispose pas de références ou est mal assurée par exemple, vous devrez éventuellement prouver - par écrit2 - que vous avez tenté de dissuader votre maître d’ouvrage de la sélectionner.

 

Voici, en guise de rappel, une dizaine de points à examiner pour vous forger un avis sur la capacité d’une entreprise à réaliser des travaux dans de bonnes conditions :

  1. Si vous ne connaissez pas l’entreprise qui candidate, demandez un avis à vos confrères qui ont travaillé avec elle ;
  2. Visitez l’un de ses chantiers pour apprécier la qualité des travaux qu’elle réalise et la tenue de son chantier ;
  3. Visez les références qu’elle présente et vérifiez qu’elles correspondent aux caractéristiques de l’ouvrage que vous souhaitez lui faire réaliser ;
  4. Vérifiez la qualité de son assurance professionnelle : une entreprise assurée depuis longtemps par la même compagnie d’assurance est généralement une entreprise qui connaît peu de problèmes. A l’inverse, derrière une entreprise qui change souvent d’assureur peuvent se cacher de nombreux refus d’assurance motivés par une sinistralité abondante : l’attestation d’assurance doit notamment3 :
    • Être à l’en-tête d’une compagnie d’assurance ou d’un agent général - et non d’un courtier ;
    • Indiquer les activités pour lesquelles l’entreprise est assurée (ces activités doivent correspondre aux travaux qu’elle prétend réaliser) ;
    • Préciser qu’elle couvre les responsabilités civile et décennale, comprenant les désordres sur les ouvrages existants ;

     

  5. Vérifiez que l’entreprise a une trésorerie solide : une fois le marché de travaux signé, les demandes d’avances injustifiées sont un signe révélateur d’une entreprise en difficulté (consultez notamment https://www.infogreffe.fr) ;
  6. Si son marché de travaux prévoit que l’entreprise établit les plans d’exécution, vérifiez qu’elle est en capacité de les produire, soit grâce à ses propres compétences (existence d’un bureau d’études interne), soit grâce au recours d’un bureau d’études externe, éventuellement qualifié par l’Opqibi : https://www.opqibi.com ;
  7. Vérifiez les qualifications ou certifications présentées : certains travaux tels que l’intervention sur les réseaux de gaz ou sur les réseaux électriques, nécessitent notamment d’être exécutés par des ouvriers titulaires de certificats de compétence ou de qualifications spécifiques ;
  8. Vérifiez que l’entreprise n’est pas adepte de la sous-traitance en chaîne, et en particulier qu’elle ne sous-traite pas son activité principale. Normalement, une bonne entreprise est capable d’assumer la totalité de la charge qu’elle s’engage à réaliser ;
  9. Dissuadez votre client de choisir une entreprise sur le seul critère du prix le plus bas : le prix proposé est important mais il faut savoir convaincre son maître d’ouvrage qu’il prend un risque conséquent lorsqu’il le privilégie au détriment des autres critères (compétence, qualification, références, démarche environnementale…) ;
  10. Vérifiez que l’entreprise a des moyens techniques et humains adaptés au chantier : la main d’œuvre et l’encadrement sont présents, les matériels et les ateliers sont suffisants, la compétence technique des ouvriers correspond aux particularités du chantier. 

Quelques signes avant-coureurs sont assez révélateurs d’une entreprise en difficulté : la présence sur ses chantiers de personnels temporaires extérieurs à l’entreprise ; les retards chroniques d’approvisionnements ; l’absence répétée aux rendez-vous de chantier ; la menace et le chantage à l’arrêt de chantier accompagnés de demandes d’acomptes ne correspondant pas à la situation réelle du chantier.

Ces signes constituent autant d’alertes suggérant de prospecter d’autres entreprises susceptibles de prendre le relais… Faites-en état dans les comptes rendus de chantier, mettez en demeure l’entreprise éventuellement défaillante de reprendre ses ouvrages mal réalisés et informez le maître d’ouvrage.

 

 

A paraître dans MAFCOM : « Ce qu’il faut faire en cas de défaillance de l’entreprise »

1. Source : Fédération français du bâtiment « Le bâtiment en chiffre 2018, juin 2019 » https://www.ffbatiment.fr/federation-francaise-du-batiment/le-batiment-et-vous/en_chiffres/les-chiffres-en-france.html

2. Voir la Boîte à outils chantier de la MAF, chapitre 11 « comment écrire au maître d’ouvrage en cas de difficultés » sur http://www.maf.fr

3. Réclamez systématiquement l’attestation décennale à l’entreprise et vérifiez qu’elle est conforme aux exigences de la loi « Macron » : reportez-vous sur Légifrance à l’arrêté du 5 janvier 2016 fixant un modèle d’attestation d’assurance comprenant des mentions minimales prévues par l’article L 243-2 du code des assurances : https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000031824672&categorieLien=id

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