Le projet de loi sur l’évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (Elan) se trompe de voie. La volonté du gouvernement de construire plus, mieux et moins cher consiste à dérèglementer le logement social pour faciliter sa production par les grandes entreprises. A l’heure où nous écrivons ces lignes, l’Assemblée nationale et le Sénat ont adopté les principales mesures du texte dont l’enjeu est le logement des Français. Un logement adapté à l’évolution des familles et à leur solvabilité, à la maîtrise énergétique et à la réduction de l’empreinte carbone, au façonnage des paysages et… à l’innovation dans l’architecture. Les Français en seraient-ils désormais privés?
Le gouvernement estime notamment que les architectes ne sont plus indispensables pour mener les projets de construction à leur terme. Ainsi, l’intérêt public de l’architecture se limiterait maintenant au permis de construire. Au dessin d’architecture. C’est un mauvais calcul. Le chantier n’est pas un accessoire de l’architecture. Il est une étape de la conception. Un retour d’expérience qui nourrit l’innovation. Une source d’inspiration. Un temps de dialogue avec l’entrepreneur. Un moment pour guider la main de l’ouvrier.
Toute volonté de cloisonnement entre la conception et la réalisation est destructrice des métiers du bâtiment. Sur le chantier, l’architecte concepteur n’est pas un frein pour l’entreprise exécutante. Ni un surcoût pour le maître d’ouvrage. Il est le garant de la qualité d’un ouvrage de plus en plus complexe.
Des cibles faciles…
Rappelons à nos élus que le bâtiment n’est pas une industrie, mais le résultat d’un travail d’équipes renouvelées à chaque opération, dans un environnement toujours différent. Aussi magique qu’il puisse paraître, le BIM ne viendra pas à bout de l’adaptation permanente des procédés constructifs sur le terrain. Car il n’existe pas de modèle de bâtiment unique répondant à toutes les situations. La spécificité de la mission du concepteur est donc aussi dans l’orchestration sur mesure de chaque opération. Jusqu’à son terme. Elle résulte d’une parfaite connaissance des métiers de la construction et du respect de chacun. Et si des architectes réduisent parfois eux-mêmes leur mission au permis de construire, c’est que ces conditions sont souvent ignorées. Ces architectes ne veulent plus être des cibles faciles sur des projets sur lesquels ils n’ont plus de prises. La MAF connaît bien les dérives qui résultent de telles situations associées à des budgets trop restreints. L’assurance construction y est trop souvent sollicitée au motif d’une fausse solidarité entre constructeurs.
Alors que faire? Ce n’est pas en achetant massivement leur production de logements à la promotion privée que les bailleurs sociaux parviendront à maîtriser les prix et les délais de construction. Ni même qu’ils amélioreront la qualité d’usage des logements. C’est bien au contraire en demeurant maîtres d’ouvrage de cette production qu’ils en développeront l’expertise.
Et dans ce combat, les concepteurs sont, plus que jamais, leurs alliés indispensables.