HBAAT, pour Hart Berteloot atelier d’architecture, c’est l’histoire d’une rencontre. Celle d’Heleen et Mathieu d’abord. Tous deux architectes passés par plusieurs agences ressentant des envies d’autre chose.
Et celle d’une ambition pour la pratique du métier d’architecte. Loin des grosses écuries mais au plus proche du contexte. Avec un groupe restreint mais l’ambition chevillée au corps de porter un projet du concours à la livraison.
Bonjour, Mathieu. Il y a une dizaine d’années, après avoir multiplié les expériences en agence, vous vous dites avec Heleen Hart, votre associée : montons notre structure…
C’est tout à fait ça. Hélène avait de belles expériences au Portugal, à Paris et à Lille. Pour ma part, j’avais œuvré auprès d’agences parisiennes et lilloises.
C’est d’ailleurs dans le nord que nous nous sommes rencontrés, alors que nous travaillions tous deux chez Tank Architectes, une agence fondée par Olivier Camus et Lydéric Veauvy.
Qu’est ce qui a motivé votre aventure ?
Nous partagions le désir de pratiquer l’architecture à de plus petites échelles, autour d’un groupe restreint, sans séparation entre les études et le chantier.
Ressentez-vous toujours ce désir ?
Oui ! Notre paradigme n’a pas changé et la structuration de notre atelier le confirme : nous sommes entre 8 et 10 architectes, et il me semble que nous ne serons jamais beaucoup plus. Notre équipe restreinte se structure autour de projets que nous suivons de l’étude au chantier, sans qu’il n’y ait de dissociation du travail entre les premières esquisses, les études et le chantier.
Nous sommes convaincus que notre rôle d’architecte ne se limite pas au dessin du projet et au permis de construire. Il s’étend à la mise en œuvre concrète de bâtiments. Sur le chantier, le projet continue de s’inventer, de se vivre et de se partager.
Cette organisation a-t-elle un impact sur la commande à laquelle vous avez accès ?
Dans la mesure où la sélection se fait souvent par le chiffre d’affaires, il est certain que les très gros projets nous sont majoritairement inaccessibles. Est-ce un problème ? Finalement pas tant que ça. Notre finalité ne réside pas dans cette quête et il y a de très belles choses à faire avec des budgets moindres.
A titre d’exemple, nous livrons actuellement un estaminet de 70 m2 à Quesnoy-sur-Deûle, une commune proche de Lille. C’est un projet modeste dans lequel l’architecture crée du lien au cœur d’une localité qui a vu petit à petit disparaitre ses bistrots, ses bureaux de poste …
De belles choses que vous pouvez suivre à 8…
C’est ça ! Nous travaillons sur des échelles et des projets très variés allant de la maison individuelle au musée en passant par des logements individuels ou des équipements neufs, comme ce fût le cas avec le pôle culturel et cinématographique de Marcq-en-Barœul que nous avons livré l’été dernier.
Pour lequel vous avez reçu le prix d’a en 2021 ! Vous avez aussi été finaliste du prix Mies van der Rohe pour la rénovation d’une halle des frères Perret transformée en salle de spectacle, à Montataire, dans l’Oise. Est-ce que ces prix changent quelque chose ?
Compliqué de répondre à cette question.
Il me semble que oui. D’une certaine manière, cela rassure les maîtres d’ouvrage.
L’architecture est un métier difficile. Nous perdons beaucoup de concours (en ce qui nous concerne !) pour pouvoir en gagner quelques-uns et sommes constamment confrontés à des décisions, à des choix qui ne sont pas toujours bien compris.
Recevoir un prix remis par un jury d’experts, cela valide notre démarche et nos partis pris.
Quelle est votre signature ?
Nous ne défendons pas une doctrine mais une posture, une adaptation en fonction du projet. Impossible d’aborder de la même manière la réhabilitation des caves de l’école du Louvre qui se situent sous les voûtes du Palais du Louvre, et sur lesquelles nous travaillons en ce moment, et la transformation d’une halle industrielle en béton, coincée entre une friche et un supermarché à Montataire.
En revanche, on s’engage à toujours privilégier « l’essentiel » en termes de forme et de matérialité ! Sans doute est-ce encore plus vrai dans le neuf où nous assumons un certain « archaïsme » …
Paris, Bruxelles, Chalon-sur-Saône … Quelles sont les frontières de l’agence ?
Celles qu’impose notre volonté de suivre les projets de la conception à la livraison : l’accessibilité devient alors un critère déterminant. Et il est parfois plus simple de se rendre à Lyon en TGV que de l’autre côté du département …
Nous avons évoqué les équipements culturels, mais je crois savoir que vous travaillez également sur des projets de logements…
Oui, sur de petites échelles, très participatives. Que ce soit sur des maisons individuelles ou de petits programmes d’une dizaine de logements, nous aimons les aborder sous une forme expérimentale, proche du laboratoire. Nous y explorons les typologies, les matériaux et leur mise en œuvre …
C’est aussi vrai dans le cas des projets de maisons individuelles que nous menons et qui se rejoignent dans l’équation complexe que nous devons relever entre, économie de moyens, économie spatiale, situations complexes ou tout simplement contexte très ordinaire.
Quel regard portez-vous sur le contexte actuel entre crise sanitaire et pénurie des matériaux ?
Outre les dérapages de projets, les difficultés de trésorerie, il me semble que nous vivons une occasion unique de questionner nos habitudes. Nous sommes au pied du mur. Tout nous impose de changer de logiciel et d’aborder différemment l’acte de construire. Pour cela, l’architecture ne doit pas être vue comme un problème mais comme la solution.
Est-ce le cas ? Les lignes bougent-elles ?
Oui, je le ressens parfois lorsque j’échange avec nos étudiants ou avec des maîtres d’ouvrage qui tentent de faire les choses différemment. Mais je me désole de voir à quel point la démolition est trop souvent envisagée comme solution n°1, alors même que Dennis Meadows alertait sur les « limites de la croissance » dès … 1972 !
Alors que les impératifs climatiques se font plus urgents et que la pression sur les matériaux est forte, on continue de démolir de grands ensembles ou d’anciens bureaux, sous prétexte qu’il est plus compliqué de les réhabiliter.
Vous voyez donc d’un bon œil l’arrivée de la RE2020 …
Oui et non. Le prétexte de la non-conformité aux nouvelles normes est souvent brandi en faveur d’une déconstruction. On peut se demander si l’ajout d’une couche supplémentaire de réglementation va apporter davantage de solutions que de contraintes.
Personnellement, je milite plutôt pour une prise de conscience collective et un retour au bon sens.
Mais le décréter ne suffit pas…
Nous sommes d’accord, mais il me semble que les couches successives de réglementation ferment plus de portes qu’elles n’en ouvrent …
Qu’est-ce qui occupe l’esprit lorsque l’on se retrouve à la tête d’une agence d’architecture ?
Le panel est large et se partage entre les préoccupations du métier d’architecte et celles du chef d’entreprise : suivi des projets en cours, problématiques de chantiers, organisation du travail en équipe, équation financière de la structure, anticipation du plan de charge de l’agence …
Avec tout ça, avez-vous encore le temps d’être architecte ?
Oui, grâce à notre organisation interne et à notre équipe restreinte !
Et si vous ne l’aviez pas été, qu’auriez-vous fait ?
Je n’échangerai pour rien au monde mon métier ! Malgré tout, pour répondre à votre question, je pense que j’aurai pu être libraire ou galeriste … Mais je n’aurai fait ni un bon libraire, ni un bon galeriste : j’ai davantage l’âme du collectionneur que celle du commerçant.
Quel est votre premier souvenir d’architecture ?
Le Centre Pompidou, que j’ai découvert enfant. J’en garde le souvenir du choc de la découverte d’un chef d’œuvre.
C’en est un selon vous ?
Oui, c’est une des réalisations les plus remarquables des 50 dernières années. C’est bien plus qu’une architecture exemplaire, c’est aussi un projet pour la ville, avec une vaste piazza inclinée comme à Sienne ; un projet sociétal et politique avec l’association d’une bibliothèque publique et d’un musée. Et enfin, cette promenade en façade et son grand hall qui sont des espaces publics accessibles gratuitement.
Quelle est votre plus grande fierté dans le métier ?
Ce n’est vraiment pas une question de fierté.
En revanche, je ne suis pas insensible aux retours des habitants et ou des utilisateurs plusieurs années après avoir livré un bâtiment. Lorsqu’ils sont positifs, j’y vois la preuve que nous ne nous sommes pas complétement trompés et donc une invitation à poursuivre …