Des adhérents s’interrogent sur l’utilité de déclarer à la MAF les missions qui se limitent aux permis de construire (PC) au regard du peu de responsabilités qu’ils estiment avoir dans ce cas. Benjamin Maillard, responsable du service Hauts Risques financiers, répond aux questions de MAF Informations sur ce sujet.
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Il rappelle que les missions d’autorisations d’urbanisme engagent la responsabilité de l’architecte dans une discipline où il est généralement considéré le plus sachant de l’opération par le juge, et précise que l’absence de garantie l’expose à des indemnisations coûteuses qui peuvent mettre en danger son entreprise.

Pourquoi certains adhérents ne déclarent pas toutes les missions qui se limitent au PC ?

Parmi les adhérents qui se voient confier ces missions, certains pensent que l’absence de mission complète ne leur fait pas prendre de risque particulier.

À tort, ils estiment qu’il n’est pas toujours nécessaire de déclarer ces missions à la MAF.

En particulier pour les petits projets.

 

5 recommandations pour les missions limitées à l’autorisation d’urbanisme

 

En phase PC :

  • Déclarez toutes les missions PC à la MAF.
  • Préoccupez-vous de la faisabilité technique et économique du projet au-delà des strictes questions d’urbanisme, et exigez une étude de sol G2 PRO au minimum dès la mission de PC.
  • Prenez en compte les règles et normes applicables à l’usage du bâti et pas seulement les règles d’urbanisme.
  • Exercez largement votre devoir de conseil par écrit, notamment en présence de clients particuliers et en l’absence prévisible de maîtrise d’oeuvre d’exécution.
  • Privilégiez les missions complètes et soyez prudents en cas de « saucissonnage » de la mission de maîtrise d’oeuvre.
     

 

Un argument économique se cache-t-il derrière cette position ?

La cotisation d’assurance correspondant à la mission limitée au projet architectural nécessaire à l’obtention du permis de construire est limitée à une assiette correspondant à 30 % du montant des travaux exécutés. Cette charge d’assurance reste raisonnable au regard du risque à assurer.

Il faut plutôt partir de la croyance 

de certains architectes que le niveau de détail d’une mission de dossier de PC n’est pas de nature à engager leur responsabilité. Cette croyance est renforcée par le fait que les plans de permis de construire ne sont pas censés être utilisés pour construire, et que les phases successives permettant une conception aboutie les exonèrent de responsabilité.

Malheureusement, pour des opérations de particuliers ces missions sont rarement confiées à un maître d’oeuvre, et les travaux sont réalisés à partir des plans PC.

En pratique, les missions d’autorisations d’urbanisme exposent la responsabilité des architectes à des manquements dont les conséquences financières peuvent être lourdes. De jurisprudence constante, l’architecte, dès la mission de permis de construire, doit concevoir un projet réalisable.

après l’obtention du PC et résultent de l’absence de conseils de l’architecte de recourir à un géotechnicien ou à un bureau d’études structure alors que l’autorisation d’urbanisme a été délivrée normalement.
C’est particulièrement criant pour les petites opérations pour lesquelles l’absence de maîtrise d’oeuvre en phase d’exécution aggrave les imprécisions de conception qui ne sont pas correctement interprétées par l’entreprise qui réalise les travaux.

L’architecte titulaire de la mission complète est moins exposé à cette difficulté, car il établit le projet après le PC et peut désamorcer d’éventuels risques de responsabilisation par le biais d’études complémentaires ou de PC modificatifs.

D’autres situations à risques doivent-elles être soulignées ?

Les autres situations proviennent de servitudes de vue ou de passage ignorées, ou de règles d’usage non maîtrisées dans le PC telles que celles concernant les installations classées (ICPE). Il en résulte des défauts de configuration ou d’implantation du bâti.

Les conséquences, alors que le maître d’ouvrage n’a pas été informé, ou correctement informé que le projet n’est pas complètement abouti, peuvent entraîner la démolition-reconstruction de tout ou partie de l’ouvrage en l’absence d’études complémentaires avant les travaux.

La MAF constate également que le retard dans l’obtention de l’autorisation d’urbanisme peut entraîner une recherche de responsabilité débouchant sur des indemnités si la faute de l’architecte est retenue. La réalisation de bâtiments commerciaux tels qu’un hôtel ou des bureaux est particulièrement concernée par ces retards d’exploitation coûteux.

Retenons que dans la mission PC la responsabilité de l’architecte est plus large que celle qui se limite au strict respect des règles d’urbanisme.

Dans ces cas précis, selon la qualité du maître de l’ouvrage (particulier ou professionnel), la défense de l’architecte sera plus ou moins difficile.

S’agit-il de situations nouvelles ?

Non, et la MAF combat ces mises en causes avec vigueur, mais elles restent récurrentes et préoccupantes. La responsabilité de l’architecte est souvent recherchée et l’absence de conseil ou de réserves écrites exprimées par lui peut lui être reproché, même « entre amis ».

Lorsque l’architecte est seul prestataire intellectuel de l’opération et que le projet n’est pas réalisable, le juge pourra faire preuve de sévérité à son égard même si l’étape du permis de construire revêt une certaine approximation dans les choix techniques et par conséquent architecturaux.

C’est la raison pour laquelle l’architecte qui n’a pas déclaré la mission PC à la MAF s’expose, que le PC soit obtenu ou non, à devoir payer seul et au prix fort la réparation d’un désordre parfois trop important pour lui.

Pourquoi la MAF alerte-t-elle ses adhérents ?

La MAF a pour objectif d’accompagner au mieux ses adhérents et non de leur opposer des refus de garantie. Elle les alerte pour qu’ils prennent conscience des risques qui se présentent à eux. C’est le cas lorsque la mission qui se limite à une autorisation d’urbanisme n’est pas déclarée. L’architecte avance à découvert. Attention à ne pas faire en sorte que, faute de déclaration, les conséquences financières reposent entièrement sur l’architecte.

Pour en savoir plus sur l’étendue des règles applicables au stade des autorisations d’urbanisme, consultez « La Boîte à outils permis de construire » de la MAF, en ligne sur votre espace adhérent MAFwww.maf.fr – depuis le 4 avril 2024.

 

C'est du vécu !

 

  • En vue de l’obtention d’un permis de construire, l’architecte doit établir un dossier qui contient une référence à la réglementation antisismique lorsque la commune a été classée en risque d’intensité I-a par décret (Cass. 3e Civ., 27 avr. 2017, n° 16-14.215).
  • La jurisprudence estime parfois que la situation matérielle constatée par le maître d’oeuvre doit le conduire à interroger le maître d’ouvrage sur l’existence d’une servitude de vue (Cass. 3e civ., 15 déc. 2004, n° 03-17070, Bull. ; Cass. 3e Civ., 17 nov. 1993, n° 91-18147, Bull.).
  • L’architecte, malgré l’étendue limitée de sa mission, doit prendre en compte les contraintes affectant le sol afin d’offrir au maître d’ouvrage un projet réalisable (Cass. 3e Civ., 15 fév. 2024, n° 22-23.682 ; Cass. 3e Civ., 21 nov. 2019, n° 16-23.509).
  • L’architecte, malgré l’étendue limitée de sa mission, doit également prendre en compte les faiblesses structurelles de l’existant (Cour d’appel de Bordeaux, 21 sept. 2023, n° RG 20/01452).

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