Cet article est tiré du webinaire réalisé par la MAF le 23 mars 2021 auquel participaient Patrick Cormenier, responsable des dossiers à hauts risques financiers à la MAF, et Julien Fautrel, référent métiers au sein de la Direction de la stratégie juridique, des services et de l’international à la MAF.
Gérer les difficultés avec les entreprises en cours de chantier

6 points à connaître

  1. Choisir une entreprise adaptée au projet pour éviter les problèmes
  2. Conseiller au maître d’ouvrage de retenir l’offre la mieux-disante
  3. Résilier le marché de l’entreprise en suivant le bon processus
  4. Arrêter le chantier en dernier recours
  5. Examiner les réclamations financières des entreprises
  6. Tenir les délais du décompte définitif

Questions d’architectes et réponses du service des sinistres de la MAF 

  1. Disparition de l’entreprise
  2. Entreprise sous-traitante
  3. Pénalités de retard
  4. Arrêt de chantier
  5. Résiliation du contrat d’architecte
  6. Plans d’exécution
  7. Assurance 
  8. Dépôt de bilan de l’entreprise
  9. Responsabilité de l’architecte
  10. Honoraires d’architecte
  11. Réclamations financières

 

6 points à connaître

1. Choisir une entreprise adaptée au projet pour éviter les problèmes

« L’architecte n’a qu’une obligation de moyens, mais encore faut-il qu’il se donne les moyens de respecter ses obligations. » On peut ainsi résumer la position du juge quant à la bonne gestion par l’architecte des difficultés rencontrées avec les entreprises ; cette gestion passe simultanément par une réactivité soutenue aux allégations de l’entreprise et par un exercice permanent du devoir de conseil au maître d’ouvrage. Et sur ce dernier point, l’accompagnement du maître d’ouvrage pour choisir une entreprise adaptée au projet est un préalable incontournable pour la réussite du chantier. Voici les recommandations de la MAF en la matière.

L’architecte doit :

  • S’assurer du sérieux de l’entreprise : l’architecte connaît généralement assez bien les entreprises à l’intérieur du périmètre géographique dans lequel il est actif. En dehors de ce périmètre d’intervention, il peut se rapprocher de ses confrères – et parfois aussi de chefs entreprises avec lesquels il travaille – pour recueillir des informations sur les artisans et les entreprises.

 

  • Privilégier l’entreprise qualifiée : environ 10% des entreprises détiennent des qualifications de métiers. Ces qualifications sont exigeantes et désignent des entreprises généralement engagées dans des démarches de qualité adaptées à leurs moyens techniques, aux compétences de leurs ouvriers et personnels d’encadrement, et à la présence éventuelle d’un service d’études techniques intégré qui démontre l’ampleur et le sérieux de l’entreprise.

 

  • Apprécier la qualité du travail réalisé : les bonnes entreprises communiquent volontiers sur leurs réalisations en cours ou terminées. Visiter leurs chantiers et quelques opérations livrées permet de voir la qualité des travaux exécutés.

 

  • Rechercher une trésorerie saine : en interrogeant les confrères qui connaissent l’entreprise, notamment sur la pratique des demandes d’avances financières (dans le cadre de son devoir de conseil, l’architecte doit communiquer à son client son appréciation sur les demandes d’avances financières). Attention, la solidité financière de l’entreprise n’est pas un critère du devoir de conseil : l’architecte n’a pas à vérifier l’état financier de l’entreprise. L’actualité sur ce sujet nous est donnée par une décision du 19 mars 2020 de la 3e chambre de la cour de cassation qui précise que l’obligation de moyens ne s’étend pas à la vérification de la solvabilité de l’entreprise.  

 

  • Vérifier que l’entreprise est capable d’assurer la globalité des engagements qu’elle souhaite prendre : la pratique veut généralement que l’entreprise établisse et fournisse les plans d’exécution. L’architecte doit s’assurer qu’elle sera en mesure de le faire. Et à défaut, qu’elle recourra à un bureau d’études si l’architecte n’assume pas lui-même cette mission. Retenons que la sinistralité montre en effet que les entreprises sont parfois incapables d’établir les plans d’exécution ; nombre d’entre elles s’appuient essentiellement sur des savoirs fondés sur leurs pratiques. Bien souvent, le projet de l’architecte diffère de l’expérience de l’entreprise qui ne sait pas calculer l’ouvrage à réaliser. Pourtant, l’architecte doit viser les plans d’exécution et le juge lui reprochera, en cas d’absence de plans, de ne pas les avoir exigés en temps et en heure, et d’avoir laissé le chantier suivre son cours malgré cela. La parade est donc de demander à l’entreprise de sous-traiter les études d’exécution ou d’en confier la mission en cotraitance à un bureau d’études au sein de la maîtrise d’œuvre. La MAF insiste pour que ces études (notes de calcul et plans techniques) soient produites pendant la période de préparation du chantier. Des pénalités de retard pour le non-respect des délais de production des études d’exécution sont à prévoir dans le marché de travaux.

 

  • Conseiller de retenir l’offre la mieux-disante à son client : cette offre est celle qui permet à l’entreprise de réaliser un ouvrage conforme au projet et à la règlementation tout en lui permettant de dégager une marge suffisante pour son propre développement. L’architecte doit impérativement alerter par écrit le maître d’ouvrage qui compte retenir une offre comprenant un prix anormalement bas ou des prestations inadaptées au projet, sur les risques et conséquences d’un tel choix. Contrôler les attestations d’assurance de l’entreprise : 85% de la sinistralité des bâtiments ont pour origine l’exécution des travaux ; il est donc nécessaire que l’entreprise soit bien assurée. A défaut, et au titre de la « solidarité des constructeurs », l’architecte peut se voir condamner à payer la part de l’entreprise insolvable. L’architecte doit impérativement vérifier que :
  • L’entreprise lui a remis son attestation d’assurance ;
  • L’attestation provient d’un assureur ou d’un agent général (une attestation provenant d’un courtier n’a pas de valeur) ;
  • La période assurée couvre la date de Déclaration règlementaire d’ouverture de chantier (la DROC) ;
  • Les activités de l’entreprise sont couvertes par l’assurance ;
  • L’attestation mentionne la couverture décennale ou, à défaut, vise les articles 1792, 1792-1 et 1792-2 du code civil (et donc les garanties qui s’y rattachent) ;

 

  • Enfin, et c’est là un critère essentiel, l’architecte doit privilégier une entreprise assurée de longue date auprès du même assureur : c’est un signe de sérieux car les assureurs cherchent à conserver les entreprises qui présentent un bon bilan d’activité avec peu ou pas de sinistres (chez les assureurs, les entreprises « sinistrantes » sont poussées vers la sortie).

 

  • Ajoutons qu’une entreprise qui aurait une couverture assurantielle plus large que celle obligatoire mettrait toutes les chances de son côté pour être sélectionnée. Ainsi, si l’attestation mentionne une garantie effondrement et une garantie de dommages immatériels consécutifs à ce type de désordre c’est, d’une part, un gage de sérieux et, d’autre part, une sécurité en termes de solvabilité en cas de sinistre.
2. Conseiller au maître d’ouvrage de retenir l’offre la mieux-disante

Le prix de l’ouvrage est à l’origine de nombreux différends. C’est parce que le maître d’ouvrage aura fait le choix du moins-disant – plutôt que du mieux-disant – qu’il prend le risque de choisir une entreprise en difficulté financière. C’est particulièrement criant dans le secteur de la maison individuelle : le maître d’ouvrage choisit parfois l’entreprise la moins-disante contre l’avis de l’architecte. Et l’entreprise sélectionnée sur le seul critère du prix connaît assez rapidement des difficultés en cours de chantier.

C’est parfois vrai pour de grosses opérations : dans l’affaire d’un projet d’hôpital privé situé à Lyon, l’ouvrage mal construit a dû être démoli pour être reconstruit (l’enjeu financier était de 96 millions d’euros en septembre 2019). Au début de l’opération, le maître d’ouvrage a fait le choix délibéré d’une entreprise en difficulté – en redressement judiciaire – pour réaliser l’opération. Cette dernière présentait une offre inférieure de 15% à celle de sa concurrente la plus proche. Après un début de chantier normal, les malfaçons se sont accumulées, de plus en plus nombreuses, jusqu’à la défaillance complète de l’entreprise. 

L’architecte, les bureaux d’études, le contrôleur technique, ont tous tiré la sonnette d’alarme sans que le maître d’ouvrage ne prenne l’initiative de résilier le marché de l’entreprise, la laissant faire dans l’espoir que les réparations coûteraient moins cher que de faire appel à une nouvelle entreprise. Or, la MAF constate généralement que plus le maître d’ouvrage tarde à réagir, plus la situation se dégrade… et plus les malfaçons sont importantes. Au final, lorsque le maître d’ouvrage de cet hôpital privé s’est décidé à agir, l’ouvrage n’était plus réparable. 

Voici quelques signes avant-coureurs de la défaillance d’une entreprise :

  • La présence de personnels temporaires extérieurs à l’entreprise ;
  • Les retards répétés d’approvisionnements ;
  • Les absences répétées aux rendez-vous de chantier ;
  • Les demandes d’acomptes de plus en plus fréquentes… souvent décorrélées de l’avancement du chantier et qui peuvent parfois être accompagnées de menaces d’arrêt de chantier.

Ces signes doivent déclencher l’alerte et susciter de la part de l’architecte des actions préventives :

  • Prospecter des entreprises capables de succéder à l’entreprise qui présente des signes avant-coureurs de défaillance (démarche à mener en parallèle des actions suivantes) ;
  • Consigner dans le compte-rendu de chantier les manquements de l’entreprise (retards, absence, malfaçons…) ;
  • Mettre en demeure l’entreprise de remédier à ses manquements ;
  • Informer le maître d’ouvrage sur le comportement de l’entreprise ;
  • Conseiller le maître d’ouvrage de ne pas payer les travaux qui devront, en cas de défaillance de l’entreprise, faire l’objet d’une reprise par une nouvelle entreprise ;

L’absence de réaction de l’entreprise à la mise en demeure de l’architecte peut avoir deux motifs :

  • L’entreprise applique le principe de proportionnalité. Elle ne répond pas aux mises en demeure parce qu’économiquement elle ne s’y retrouverait pas ; ça lui coûterait plus cher que l’éventuelle retenue de garantie (s’il en existe une), ou que ce que lui rapporterait sa dernière situation de travaux par exemple ;
  • L’entreprise n’est plus en mesure de tenir son chantier qu’elle abandonne sans le dire. 

Dans ce dernier cas, les mises en demeure sont inutiles : le marché de l’entreprise doit être résilié. Attention, l’architecte ne peut pas résilier le marché de l’entreprise car seul le maître d’ouvrage qui a un marché avec l’entreprise peut le faire ; l’architecte doit informer le plus tôt possible le maître d’ouvrage de la situation de l’entreprise de la manière la plus complète.

Une difficulté particulière survient lorsque l’entreprise « traîne les pieds », entre difficultés passagères et partielles ; elle donne en permanence du fil à retordre à l’architecte mais poursuit le travail jusqu’au bout du chantier. Dans ce cas, l’obligation de conseil de l’architecte est renforcée : en fin de chantier il recommande au maître d’ouvrage de prononcer une réception avec des réserves précises sur les malfaçons que l’entreprise n’a pas reprises (et qui ne sont pas toujours visibles lorsque l’ouvrage est achevé). 

De son côté, le maître d’ouvrage peut tenter d’« accrocher » la responsabilité de l’architecte pour deux motifs : le choix de l’entreprise n’a pas fait l’objet d’un avis défavorable de l’architecte avant signature du marché ; et l’information sur la situation de l’entreprise en difficulté n’a pas été donnée à temps. En réponse, les écrits de l’architecte sont indispensables pour prouver qu’il a exercé son devoir de conseil, et à temps. 

3.Résilier le marché de l’entreprise en suivant le bon processus

Lorsque l’entreprise est absente du chantier de manière injustifiée, l’architecte doit être réactif. Voici le processus établi par la MAF et ses experts pour parvenir à la résiliation éventuelle du marché de travaux. Les 12 étapes décrites ici sont à suivre à la lettre :

  1. Contacter l’entreprise par téléphone pour connaître la gravité de la situation (si son comportement est la conséquence d’un défaut de paiement des travaux, l’architecte prend l’initiative d’organiser une réunion avec le maître d’ouvrage et l’entreprise pour établir le dialogue) ;
  2. Consulter Infogreffe1 pour connaître la situation juridique de l’entreprise (si l’entreprise n’a plus d’existence légale, l’architecte informe son client et lui conseille de se rapprocher d’un avocat pour connaître les mesures à prendre) ;
  3. Mettre en demeure l’entreprise, par lettre recommandée avec AR, de reprendre le chantier dans les 24 heures (si cette mise en demeure reste infructueuse, c’est au maître d’ouvrage de prendre le relais puisque c’est le maître d’ouvrage qui a un contrat avec l’entreprise) ;
  4. Conseiller impérativement et par écrit au maître d’ouvrage d’adresser lui-même la seconde mise en demeure en demandant à l’entreprise de reprendre son travail sous 15 jours suivant les clauses contractuelles du marché, faute de quoi le maître d’ouvrage n’aura d’autre solution que de résilier le marché, de faire reprendre les travaux mal exécutés et de faire achever l’ouvrage par une autre entreprise aux frais de l’entreprise initialement titulaire du marché ; 
  5. Conseiller impérativement et par écrit au maître d’ouvrage de notifier la résiliation du marché à l’entreprise défaillante, par lettre recommandée avec AR, avec convocation sur le chantier pour constater l’avancement des travaux de manière contradictoire, en présence d’un huissier de justice ;
  6. Conduire le constat contradictoire en présence du maître d’ouvrage, de l’huissier de justice et éventuellement de l’entreprise (en pratique ce constat complété d’un reportage photographique est dicté par l’architecte à l’huissier)
  7. Suggérer au maître d’ouvrage d’effectuer une déclaration à l’assureur dommages-ouvrage dans la mesure où les mises en demeure – restées sans réponses – ont bien été faites ;
  8. Établir un bordereau estimatif et quantitatif des travaux à reprendre et à terminer ;
  9. Établir le nouveau dossier de consultation et consulter au moins deux entreprises pour, le moment venu, comparer les offres en impliquant le maître d’ouvrage ;
  10. Conseiller le maître d’ouvrage dans le choix de l’offre la mieux-disante (ce point est important car l’entreprise qui va reprendre le chantier en cours va prendre des sûretés financières pour son intervention sur des ouvrages défectueux ; elle sera plus cher que ce qu’il resterait normalement à payer à l’entreprise défaillante) ;
  11. Conseiller impérativement et par écrit le maître d’ouvrage de notifier un compte de résiliation à l’entreprise défaillante ;
  12. Assister le maître d’ouvrage dans la passation du marché de la nouvelle entreprise avec un nouveau calendrier de travaux.

Cependant, il arrive que le maître d’ouvrage, parfaitement conscient des conséquences économiques de la défaillance de l’entreprise, rechigne et tarde à résilier le marché de travaux, voire refuse une résiliation parce qu’il estime que les conséquences du changement d’entreprise seront pour lui plus graves que celles qui résulteraient du maintien de l’entreprise en place. Et cela, à cause de la perte d’usage due au retard de livraison et à cause du surcoût plus important des travaux. 

Dans ce dernier cas, le maître d’ouvrage peut toujours être tenté de récupérer une partie des surcoûts en attaquant l’architecte au titre de la mission de direction de l’exécution des contrats de travaux (DET) pour les malfaçons, et au titre de la solidarité des constructeurs. Cette piste est parfois exploitée par l’avocat du maître d’ouvrage qui, pour atteindre son but, fait l’amalgame entre les malfaçons, d’une part, et les conséquences économiques du retard dû aux malfaçons, d’autre part. Il suffit alors que le juge estime que l’architecte a contribué – même faiblement – au préjudice du maître d’ouvrage et lui attribue une part de responsabilité, à hauteur de 5% par exemple, pour justifier une condamnation in solidum avec l’entreprise défaillante. 

L’entreprise n’étant généralement pas assurée pour les désordres sur ses ouvrages tant que les travaux ne sont pas réceptionnés (elle n’est assurée que pour les travaux réceptionnés et non réservés), l’architecte et son assureur devront prendre à leur charge la part de l’entreprise insolvable dans le coût du sinistre. 

Pour l’architecte, la parade consiste à faire figurer la « clause d’exclusion de solidarité » dans son contrat. Cette clause qui concerne toute recherche de responsabilité sur un fondement autre que décennal figure désormais dans les contrats-type de l’ordre des architectes. Validée par la cour de cassation, elle prévoit que le juge ne pourra condamner l’architecte « in solidum » avec les autres constructeurs et ne pourra prononcer une condamnation propre à l’architecte que sur ce qui relève de sa seule responsabilité.

4. Arrêter le chantier en dernier recours

L’entreprise défaillante dégrade la qualité de son travail au fur et à mesure que sa situation se dégrade. Pour y mettre un terme, l’arrêt de chantier est la mesure radicale. Pourtant, l’architecte hésite généralement à y recourir. Il estime qu’ayant bien conseillé le maître d’ouvrage, il est à l’abri de tous reproches puisque la décision de résilier le marché de travaux appartient au maître d’ouvrage. C’est une erreur : le juge considère que c’est l’architecte « patron du chantier » qui est en tort s’il n’arrête pas le chantier alors qu’il est en mesure de le faire pour éviter que la situation ne se dégrade de façon irrémédiable. 

Voici les conseils de la MAF pour arrêter le chantier :

  • L’architecte recueille les preuves écrites (les échanges avec le maître d’ouvrage) justifiant la situation dégradée de l’entreprise. Une fois les preuves rassemblées, l’architecte demande l’arrêt de chantier au maître d’ouvrage. A défaut de l’avoir fait, le juge reprochera à l’architecte de ne pas avoir joué son rôle dans la direction de l’exécution du contrat de travaux (mission DET) ; 
  • En marché public, l’architecte adresse un ordre de service (OS) d’arrêt de chantier à l’entreprise ; tandis qu’en marché privé, il adresse une lettre recommandée avec AR expliquant au maître d’ouvrage qu’il est temps d’arrêter le chantier en indiquant que toutes les conséquences dans la décision de refus d’arrêter le chantier sont à la charge du maître d’ouvrage ; 
  • Si le maître d’ouvrage n’obtempère toujours pas, l’architecte signifie au maître d’ouvrage qu’il n’est plus en mesure de remplir sa mission ; dans ce cas précis, l’architecte peut interrompre sa mission. 
5. Examiner les réclamations financières des entreprises

Les réclamations financières des entreprises interviennent généralement sur des chantiers importants et plutôt en marchés publics. Un grand équipement tel qu’un hôpital génère presque toujours des réclamations financières. Ces réclamations souvent injustifiées et disproportionnées surfent sur certaines difficultés : 

  • Le dépassement du marché à forfait (ce dépassement peut être réel mais le chiffrage est généralement exagéré). L’entreprise prend le prétexte d’une modification ou d’une difficulté de chantier – telle que la découverte d’amiante en cours de chantier – pour la monter en épingle au motif, par exemple, que le dossier de la maîtrise d’œuvre n’était pas assez travaillé ; 
  • Le retard dans la fourniture des plans qui sont souvent le fait de bureaux d’études (c’est notamment le cas au sein du groupement de maîtrise d’œuvre dans lequel l’architecte est mandataire conjoint et solidaire, c’est-à-dire responsable de ses cotraitants et donc de leur défaillance2). L’entreprise prend ce prétexte pour justifier son propre retard dans l’avancement des travaux ;
  • Le retard à la livraison de l’ouvrage dû, selon l’entreprise, au retard d’une autre entreprise de l’opération. L’entreprise à l’origine de la réclamation en impute la responsabilité à la maîtrise d’œuvre. 

L’entreprise cherche à faire l’amalgame des causes et des effets pour créer la confusion et justifier l’importance financière qui consiste à réclamer 10 pour obtenir 3 (à réclamer 3 fois plus que ce qui est réellement dû). 

Les réclamations souvent injustifiées et systématiquement gonflées sont de deux natures : elles sont préméditées lorsque l’entreprise, à peine le marché de travaux signé, adresse des courriers recommandés avec AR à la maîtrise d’œuvre remettant en cause le projet pour « préparer » le terrain à une future réclamation financière (dans ce cas, la maîtrise d’œuvre doit impérativement répondre de manière à préparer un éventuel contentieux) ; et elles sont opportunes lorsque l’entreprise découvre un imprévu (de l’amiante sur le chantier non décelé dans le diagnostic préalable aux travaux, par exemple). L’entreprise monte en épingle la situation pour réclamer le plus d’argent possible au motif d’un déséquilibre dans le déroulement de l’opération.

La MAF accompagne ses adhérents pour faire face aux réclamations financières des entreprises. Préméditées ou opportunes, elles sont considérées comme des litiges pour lesquels la MAF ouvre systématiquement un dossier et missionne un avocat spécialisé – ou un expert – capable de « démonter » ce type de manœuvre. Le spécialiste prépare les réponses qui seront adressées à l’entreprise et/ou au maître d’ouvrage sous la plume de l’architecte. 

Retenons que plus l’architecte réagit tôt avec la MAF, plus la réponse apportée est efficace : lorsque l’entreprise trace son « chemin de réclamations » à toutes les étapes du chantier pour finalement préparer son récit pour le juge, l’architecte doit faire de même avec des réponses précises reflétant le plus justement possible la réalité du chantier. A défaut, le risque est qu’en fin de chantier la mémoire des faits soit difficile à reconstituer pour l’architecte. 

Retenons que souvent, par ses réclamations pendant le chantier, l’entreprise teste la capacité de l’architecte à se défendre. En fin de chantier, le manque de réactivité de l’architecte peut décider l’entreprise à aller au contentieux. Les réponses point par point en cours de chantier sont la meilleure parade pour faire barrage aux réclamations injustifiées de l’entreprise. 

6. Tenir les délais du décompte définitif en marchés publics

Les réclamations financières de l’entreprise interviennent le plus souvent en fin de chantier. L’architecte a un rôle important à ce moment-là. Après la réception de travaux, l’entreprise dispose d’un délai assez court pour adresser son projet de décompte final au maître d’ouvrage, avec copie au maître d’œuvre3 . A ce moment précis, l’entreprise est tentée de faire passer ses réclamations injustifiées : c’est à l’architecte de vérifier la réalité du mémoire en réclamation et communiquer son avis au maître d’ouvrage (devoir de conseil). 

Attention au piège ! En 2014 est intervenue une réforme du CCAG travaux pour les marchés publics qui présente désormais un risque financier important. Avant 2014, l’entreprise proposait un décompte et le maître d’ouvrage répondait dans un délai fixé par le CCAG. Si le délai était dépassé, l’absence de réponse valait rejet du projet. Depuis l’arrêté du 3 mars 2014, le principe s’inverse. L’article 13 pose le principe inédit de l’acceptation tacite du Décompte général et définitif (DGD). Le dispositif est désormais le suivant à partir de la réception des travaux :

  1. L’entreprise a 30 jours pour remettre son projet de décompte final (si elle ne le fait pas, elle est mise en demeure de le faire dans les 15 jours ; si elle ne réagit toujours pas le décompte final est notifié par le maître d’œuvre ; et si l’entreprise ne conteste pas ce décompte final, il devient le DGD) ;
  2. Le maître d’ouvrage a 30 jours pour répondre au projet de décompte final de l’entreprise (à défaut, l’entreprise adresse son projet de décompte général signé, et si le maître d’ouvrage ne répond pas dans les 10 jours le projet de décompte devient le DGD tacite) ;
  3. L’entreprise a 30 jours pour accepter ou contester le décompte général (en l’absence de réponse, le décompte général devient définitif).

Sous couvert de DGD tacite, l’entreprise peut tenter d’obtenir des sommes injustifiées. Si c’est l’architecte qui ne transmet pas au maître d’ouvrage ses observations dans les délais, le maître d’ouvrage pourra le lui reprocher. De même, si l’architecte ne rappelle pas au maître d'ouvrage que sa réponse est enfermée dans des délais stricts, c’est sa responsabilité au titre d’un défaut de devoir de conseil qui pourra être recherchée. 

La MAF a, dès 2014, alerté ses adhérents sur l’évolution du CCAG travaux. Précisons que le DGD tacite existait déjà en marché privé par le biais de la norme NF-P 03 001 (pouvant valoir CCAG en marchés privés).

schéma

 

Questions d’architectes et réponses du service des sinistres de la MAF

1. Disparition de l’entreprise

L’entreprise est défaillante après la réception de travaux et avant le terme de la période de garantie de parfait achèvement (GPA) : que faire en cas de sinistre ?
L’architecte doit conseiller au maître d’ouvrage de recourir à une entreprise tierce. Cela coûtera vraisemblablement plus cher que ce qu’il restait à payer à l’entreprise défaillante. S’il y a une retenue de garantie et qu’elle n’a pas été libérée, elle sera mobilisée pour la levée des réserves et les désordres survenus dans l’année qui suit la réception. Toutefois, si les désordres peuvent se révéler graves, le recours à l’assurance dommages-ouvrage (DO) peut être une solution.

Si la défaillance survient alors que des réserves ont été formulées à la réception, l’architecte doit adopter la même position que pour une défaillance avant réception. Les obligations contractuelles n’étant totalement accomplies qu’avec la levée des réserves, il doit mettre en demeure l’entreprise pour qu’elle reprenne les ouvrages concernés ; si elle n’obtempère pas, l’architecte demande au maître d’ouvrage de résilier le contrat de l’entreprise. Et à défaut, il fait procéder à la reprise des travaux par une autre entreprise – à la charge de l’entreprise défaillante – dans le but de lever les réserves. Dans ce cas également, si les désordres peuvent se révéler graves, le recours à la DO peut être la solution. Rappelons que l’assurance de dommages obligatoire garantit le paiement des réparations nécessaires lorsque, après réception, l’entrepreneur mis en demeure de reprendre les désordres de gravité décennale, réservés à la réception ou apparus durant le délai de garantie de parfait achèvement, n’a pas exécuté ses obligations.

En revanche, si l’entreprise est défaillante alors que les réserves ont été levées, ou en l’absence de réserves, mais que le délai de GPA n’est pas expiré, elle a mis fin à ses obligations contractuelles. Elle doit simplement les garanties de parfait achèvement de l’ouvrage, de bon fonctionnement des équipements, et de réparation des désordres graves pendant dix ans (garantie décennale). 
Dans tous les cas, l’intervention d’une entreprise tierce par le maître d’ouvrage se fait après un constat préalable. 

2. Entreprise sous-traitante

L’entreprise sous-traitante est défaillante et l’entreprise titulaire du marché ne réagit pas : que faire ?
Le titulaire du contrat est responsable de l’activité de son sous-traitant. Il doit donc répondre à ses obligations et, à défaut, l’architecte se trouve dans un cas de défaillance de l’entreprise titulaire. 

L’entreprise sous-traitante n’a pas levé ses réserves et l’entreprise titulaire du marché n’existe plus : que faire ?
Si l’entreprise titulaire est responsable de son sous-traitant, ce dernier reste responsable de ce qu’il a fait. L’architecte fait donc intervenir directement le sous-traitant en vue de la levée des réserves. 

3. Pénalités de retard

L’entreprise n’est pas toujours totalement défaillante : comment appliquer les pénalités de retard ?
L’architecte et le maître d’ouvrage utilisent les pénalités de retard pour faire respecter le calendrier des travaux lorsqu’une entreprise ne tient pas le délai. Cependant, il ne peut y avoir de pénalités de retard que si elles sont prévues au marché de l’entreprise. Au titre du devoir de conseil, l’architecte doit informer le maître d’ouvrage qu’il est nécessaire de prévoir des pénalités de retard dans le marché de l’entreprise. C’est, en effet, un des rares moyens pour faire pression sur l’entreprise. 

L’architecte qui a la direction de l’exécution des contrats de travaux (mission DET) doit proposer l’application des pénalités de retard – et leur calcul – lorsqu’elles sont prévues dans le contrat de travaux. Ensuite, le maître d’ouvrage décide de les appliquer ou non (rappelons que les pénalités ne peuvent pas être disproportionnées par rapport au marché). 

Précisons qu’il est fréquent que les pénalités de retard appliquées pendant le chantier, servent de monnaie d’échange avec l’entreprise pour d’autres prestations lors du décompte final des travaux. 

4. Arrêt de chantier

A quel moment déclencher un arrêt de chantier ?
L’arrêt de chantier est une solution ultime. Lorsque l’architecte convainc le maître d’ouvrage de résilier le marché de l’entreprise et de changer d’entreprise il y a, de fait, un arrêt de chantier. La recherche d’une nouvelle entreprise qui accepte d’intervenir à la suite d’une entreprise défaillante ne va pas de soi. L’objectif pour tous les intervenants du chantier est que cet arrêt soit le plus court possible. 

Lorsque l’architecte a maintes fois tenté de convaincre le maître d’ouvrage de résilier le marché de l’entreprise (lorsque le calendrier des travaux n’est pas respecté, les malfaçons sont de plus en plus nombreuses, la baisse de l’effectif sur chantier est préoccupante…), sans y parvenir, et que le maître d’ouvrage fait le choix délibéré de ne pas le suivre, l’architecte doit dans certains cas extrêmes prononcer l’arrêt du chantier.

En marché public, l’architecte procède par OS. En marché privé, il demande au maître d’ouvrage d’arrêter le chantier au motif qu’il n’est plus en mesure d’exercer sa mission. 

La MAF constate que dans cette situation, le juge reproche souvent à l’architecte de ne pas avoir assumé ses responsabilités : soit pour ne pas avoir arrêté le chantier ; soit pour ne pas l’avoir arrêté suffisamment tôt.
Dans un dossier MAF, le juge a constaté par exemple que l’architecte a identifié assez rapidement les défaillances de l’entreprise sans formellement proposer au maître d’ouvrage d’arrêter le chantier ; sa responsabilité a été retenue à hauteur de 30% du sinistre. 

5. Résiliation du contrat d’architecte

Comment l’architecte peut-il mettre fin à son contrat avec un maître d’ouvrage ?
En cas d’immixtion4 du maître d’ouvrage sur le chantier, ou lorsque celui-ci refuse de résilier le marché d’une entreprise totalement défaillante, l’architecte se trouve dans une situation dans laquelle il peut résilier son propre contrat. Mais attention, l’architecte ne met pas fin à son contrat de façon abrupte. Il doit d’abord mettre en demeure son client de lui permettre d’accomplir sa mission : d’être payé par exemple, ou de résilier le marché de travaux parce que chantier est bloqué. La prudence s’impose : dans certains dossiers le juge reproche à l’architecte une résiliation de contrat brutale sans considération de la situation parfois dramatique – notamment en matière de sécurité des personnes – dans laquelle l’architecte laisse le chantier. 

6. Plans d’exécution

Comment obliger une entreprise à fournir les plans d’exécution ?
L’architecte doit apprécier la gravité de l’absence du plan d’exécution. Si l’absence d’un plan bloque le chantier, l’architecte conseille le maître d’ouvrage de résilier le marché de l’entreprise après mise en demeure de fournir le document. Rappelons quelques points importants :

  • La mise en chantier de l’ouvrage, ou de la partie d’ouvrage, ne doit pas commencer si les plans d’exécution n’ont pas été fournis. 
  • L’architecte doit vérifier la qualification d’une entreprise au regard de sa mission. Ainsi, par exemple, avant que le maître d’ouvrage particulier ne choisisse un charpentier pour réaliser le toit de sa maison, l’architecte vérifie que l’artisan sera en mesure de fournir les plans d’exécution pendant la préparation du chantier. Cette vérification fait partie du devoir de conseil de l’architecte. 

Lors des règlements de litiges, le juge ne reproche pas à l’architecte de ne pas refaire les calculs de solidité d’une charpente, ce dont il n’est pas tenu. En revanche, il lui reproche de ne pas avoir vérifié que le plan d’exécution de l’ouvrage existait avant le démarrage des travaux. 

Le bureau d’études structure au sein de l’équipe de maîtrise d’œuvre peut-il réaliser les études d’exécution à la place de l’entreprise ? Si c’est possible, ces études peuvent-elles être payées au maître d’œuvre par l’entreprise ?
Plusieurs cas sont envisageables lorsque l’architecte s’aperçoit que l’entreprise est incapable de réaliser les plans d’exécution. Il conseille : soit au maître d’ouvrage de passer un contrat à un bureau d’études pour les produire ; soit à l’entreprise de prendre un bureau d’études sous-traitant. Dans les deux cas, le bureau d’études spécialisé peut être extérieur à la maîtrise d’œuvre de l’opération ou en faire partie. Toutefois, dans ce dernier cas, la situation du bureau d’études à la fois maître d’œuvre et sous-traitant de l’entreprise est à éviter en raison de la double casquette que cela entraîne pour le bureau d’études en cas de conflit ultérieur. 

En maison individuelle, les plans des lots techniques ne sont pas toujours fournis : est-ce vraiment un problème ?
Oui, en l’absence de plans d’exécution il sera difficile de diagnostiquer un éventuel sinistre ultérieur, ou même de modifier l’ouvrage quelques années plus tard si nécessaire. Signalons que cette absence de plans d’exécution trouve généralement son origine dans le choix des entreprises moins-disantes qui font l’impasse sur les études techniques (études de sol notamment), mais également sur les compétences au sein de l’entreprise (formation), ou sur les moyens techniques (outils et produits de construction). Il en résulte une forte sinistralité très coûteuse en maison individuelle.

7. Assurance

Que faire lorsque l’entreprise fournit une fausse attestation d’assurance ?
Dans la presque totalité des cas, la fausse attestation est détectée lorsque le sinistre apparaît. C’est l’assureur mis en cause qui démontre cette tricherie. Rappelons que le juge ne reproche pas à l’architecte de ne pas avoir vérifié l’authenticité d’une assurance ; en revanche, il peut lui reprocher – au titre du défaut de conseil – de ne pas avoir vérifié son existence, ou de ne pas avoir conseillé au maître d’ouvrage de résilier le marché de l’entreprise ayant produit une fausse attestation d’assurance si le fait est avéré avant livraison de l’ouvrage. 

Comment gérer une entreprise d’Europe centrale assurée en Libre prestation de service (LPS) ?
Avant signature des marchés de travaux, l’architecte doit faire part au maître d’ouvrage de toutes les réserves qu’il peut avoir sur une entreprise inconnue. Rappelons que les entreprises d’Europe centrale n’ont pas les mêmes contraintes de qualification et d’assurance que les françaises. La MAF a actuellement connaissance de nombreux sinistres provenant d’entreprises étrangères mal assurées, notamment dans la construction bois « clé en main ». Les attestations d’assurance de ces entreprises doivent être vérifiées. En particulier si elles émanent d’un assureur en Libre prestation de service (LPS), qui a généralement son siège en dehors des pays de l’Union européenne. Ces assureurs à bas coûts qui se sont lancés il y a quelques années sur le marché européen connaissent aujourd’hui des difficultés financières qui les amènent pour bon nombre d’entre eux à cesser leurs activités, abandonnant leurs adhérents à leur sort.

Bien que les architectes ne soient pas des spécialistes de l’assurance, ils doivent mettre en garde – par écrit – leur client sur le risque que représentent ces entreprises étrangères assurées en LPS.

8. Dépôt de bilan de l’entreprise

En cas de sinistre sur des travaux réalisés par une entreprise ayant déposé son bilan, le maître d’ouvrage peut-il se retourner contre l’assureur ?
Oui, à condition que l’assureur garantisse le sinistre concerné. Les entreprises ne sont assurées, la plupart du temps, qu’au titre de la garantie décennale obligatoire. Cette garantie ne couvre pas les sinistres qui surviennent en cours de chantier. Or, l’assurance pour les travaux qu’elles réalisent (non réceptionnés), les accidents de chantier, les dégâts aux immeubles avoisinants et aux bâtis existants (en cas de réhabilitation), n’étant pas obligatoire, les entreprises sont rarement assurées. 

Retenons que l’assureur de l’entreprise qui a déposé le bilan ne prend en charge que les sinistres couverts par les polices souscrites. Quant à l’assurance dommages-ouvrage (souscrite par le maître d’ouvrage pour les désordres de nature décennale), elle peut couvrir les désordres graves qui interviennent avant réception après mises en demeure de l’entreprise restées sans réponse. Dans ce cas, le maître d’ouvrage a la possibilité de faire une déclaration de sinistre à son assureur dommages-ouvrage. Ce dernier se retournera ensuite contre les constructeurs et leurs assureurs (il s’agira principalement des maîtres d’œuvre et de leurs assureurs lorsque l’entreprise est défaillante et non solvable). Signalons que l’assureur dommages-ouvrage est assez réticent à intervenir pour les désordres avant réception. Le maître d’ouvrage doit souvent l’assigner pour obtenir gain de cause. 

9. Responsabilité de l’architecte

Quelle est la responsabilité de l’architecte en cas de défaillance de l’entreprise ? 
Si l’architecte a bien rempli son devoir de conseil dans le choix de l’entreprise, il n’est pas responsable de la défaillance de cette dernière. Malgré cela, il est fréquent que le maître d’ouvrage tente d’« accrocher » sa responsabilité pour des surcoûts de chantier dus à la défaillance de l’entreprise. Il peut y parvenir en invoquant la responsabilité de l’architecte dans de multiples défauts d’exécution non signalés dans le cadre de la mission de direction de l’exécution des contrats de travaux (DET). Dans ce dernier cas, l’architecte est éventuellement indirectement concerné. 

L’architecte peut se protéger contractuellement contre cette dérive des maîtres d’ouvrage par la clause d’exclusion de solidarité. Cette clause, qui figure désormais dans les contrats types de l’ordre des architectes, prévoit que la responsabilité de l’architecte se limite à ses seules fautes et qu’il ne supporte pas, par solidarité, les fautes qui incombent aux autres constructeurs. C’est le cas en particulier en matière de défaillance d’entreprise : cette clause permet à l’architecte d’éviter de payer la quote-part de l’entreprise lorsqu’elle est insolvable ou qu’elle n’est plus là pour le faire. 

Soulignons que la responsabilité de l’architecte n’est désormais plus systématique. La cour de cassation a rappelé récemment que l’architecte a une obligation de moyens. C’est le cas lorsque l’entreprise laisse derrière elle des malfaçons de plus en plus nombreuses au fur et à mesure que sa situation s’aggrave avant d’abandonner le chantier. L’architecte qui, suffisamment tôt, a employé tous les moyens dont il dispose pour mettre en demeure l’entreprise de reprendre ses travaux a assumé sa responsabilité dans le cadre de sa mission DET. Cela implique qu’il soit réactif et qu’il consigne tous les manquements de l’entreprise dans les comptes rendus de chantier.

10. Honoraires d’architecte

Qui paie l’architecte qui recherche une nouvelle entreprise (établissement des bordereaux quantitatifs-estimatifs pour préparer le marché de l’entreprise qui va reprendre le chantier à la suite de l’entreprise défaillante) ?
Soit le maître d’ouvrage consent à une rallonge d’honoraires par un avenant au contrat d’architecte, soit il la refuse. Dans ce second cas, la MAF conseille à son adhérent de faire quand même ce travail pour éviter d’engager un bras de fer avec le maître d’ouvrage, et d’encourir éventuellement la désapprobation du juge pour un abandon du chantier.

11. Réclamations financières

Qui doit payer les travaux supplémentaires présentés dans les réclamations financières d’entreprise ?
Les travaux supplémentaires peuvent avoir plusieurs origines : oubli de conception, oubli dans l’offre de l’entreprise, demande du maître d’ouvrage… En marché public, la jurisprudence du conseil d’État indique que les travaux supplémentaires, même oubliés par un architecte mais indispensables au bon fonctionnement d’un ouvrage, sont à la charge du maître d’ouvrage public. En marchés privés, c’est différent : le maître d’ouvrage parvient généralement à faire valoir un préjudice. 
Attention : dans le cadre de son devoir de conseil, l’architecte doit éclairer le maître d’ouvrage quant aux réclamations financières de l’entreprise.

 

1. Infogreffe : groupement d’intérêt économique des greffes des tribunaux de commerce français. Informations disponibles par ici

2. Pour se prémunir de ce type de risque il est impératif de passer une convention de groupement entre les membres de la maîtrise d’œuvre afin de déterminer clairement les missions de chacun.

3. Pour en savoir plus sur le DGD : la Boîte à outils chantier de la MAF, « Gestion financière » - chapitre n°20, p. 348-360. A consulter ou télécharger dans votre espace adhérent en cliquant ici

4. Lorsque le maître d’ouvrage prend des initiatives techniques ou financière à l’égard des entreprises sans informer l’architecte ou sans son accord (voir « La boîte à outils chantier » de la MAF, chapitre 17)